La Plume d\'Ys

La Plume d\'Ys

Editer à compte d'éditeur : une guerre perdue...

Editer à compte d'éditeur : 
une guerre perdue d'avance ?
ou les Tribulations de Nono venu chercher les Tables de la Loi... 
Image d'Epinal de l'écrivain publié et honoré...
 

Il y a seulement quelques années (moins de dix ans), les écrivains en quête de publication se nourrissaient encore de quelques illusions. L'offre de nouveaux tapuscrits "premiers romans" explosait de façon exponentielle mais il était encore permis de croire en sa chance, même infime, de trouver enfin un éditeur à compte d'éditeur qui nous ferait confiance.

Certains s'y sont donc frottés, collés, appelez cela comme vous voudrez, pendant un an, deux ans, puis une décennie, puis plus rien puisque la logique, la fatigue, la déprime aboutissent le plus souvent toujours au même résultat : l'abandon.

C'est que les choses se sont encore agravées...

D'abord de la faute des écrivains eux-mêmes. Nombre d'écrivaillons ont cru bon de balancer des manuscrits mal fichus, mal écrits, d'un intérêt quasi nul pour la terre entière aux éditeurs de tout poil, embouteillant pour longtemps la déjà très longue liste de prétendants aux palmes littéraires. Les éditeurs sont surchargés, excédés par la mauvaise qualité des oeuvres et maintenant, quand vous demandez à un éditeur quel laps de temps il lui faut pour traiter une proposition de manuscrit, il vous dit qu'il lui faut un minimum de six mois dans le meilleur des cas, que ce n'est pas la peine de lui présenter quoi que ce soit avant deux ans minimum car son catalogue est plein, etc.

Aujourd'hui donc, vouloir présenter un manuscrit à un éditeur traditionnel revient déjà à "immobiliser" votre oeuvre au moins pour un an. Au mieux, il n'y a pas encore si longtemps, vous receviez quand même une réponse négative, modèle de document word de toute bonne secrétaire d'éditeur. Mais face à la multitude, il y aura sans doute de moins en moins de réponse tout court. Alors que la vie d'un livre se raccourcit : compter 6 mois de vie en moyenne pour une nouveauté, que les premiers romans sont souvent des oeuvres "mort-né" (vente maxi de 200 exemplaires à 600 pour un écrivain débutant chez l'éditeur "Le Dilettante" ! Tout le reste va au pilon..), quel choix pour l'écrivain, sinon d'en être réduit au silence pendant ce temps d'errance de son oeuvre chez les différents éditeurs. Autant creuser un trou et s'enterrer soi-même, mais je ne vous fournirai pas la pelle...

Il faudrait alors être extrêment prolixe, mais quand on voit la somme de travail que constitue l'écriture d'un roman (enfin, pour ceux qui font cela sérieusement), on a du mal de présenter plus d'un ouvrage par an ! Rares sont ceux qui peuvent se consacrer entièrement à l'écriture, la plupart d'entre nous est bien obligée de travailler pour se nourrir et acheter le whiskas quotidien de nos félins adorés...

Dans le meilleur des cas, si vous avez réellement une bonne plume, encore faut-il que vous ayez choisi et ciblé judicieusement les éditeurs convoités. Car il ne suffit pas d'un bon manuscrit, il faut que celui-ci corresponde encore aux choix éditoriaux, que le sujet que vous traitez soit à la mode et ait une chance de se vendre. Ainsi, le voyeurisme issu d'autobiographies quasi pornographiques est très à la mode...

D'ailleurs le "cul" mal écrit ou non, se vend toujours très bien. Comme quoi, la littérature on peut aussi s'asseoir dessus ou se la foutre ben justement ... dans le cul. (je suis vulgaire, mais vu ce qu'il est de bon ton d'écrire pour être à la mode, je peux tout me permettre...). Signe des temps d'ailleurs, des auteurs en herbe, pour être lus, ne font plus que dans le titre suggestif, pour être sûr qu'ils accrocheront le lecteur, c'est un phénomène récurrent concernant les auteurs du web également, dérive s'il en est et qui ne sert décidément pas ceux qui essaient de sauver la qualité des écrits.

Peu importe si l'on écrit de la merde, l'important c'est d'être "lu". Ne doutons pas un seul instant, que le best-seller type du style : "Comment j'ai encu... ma belle-mère",  fasse un tabac sur le web, depuis les petits morveux de 11 ans qui cliquent à tout va, jusqu'aux pervers des forums qui chassent la petite culotte de moins de 10 ans ou se payent des vacances en Thaïlande... N'oublions pas, que sur la totalité des pages web consultées par les internautes, plus de 50 % sont des pages de ... cul. Triste statistique, non pas que le sexe soit quelque chose de répréhensible, bien au contraire, mais il devrait être joyeux, aimant et non synonyme de misère glauque.

De fait, plus encore qu'autrefois, les jeunes auteurs sont de plus en plus discrédités par la multitude, le manque de qualité, et le manque d'exigence des lecteurs en général. (le niveau baisse partout, ma bonne dame !).

Pour autant, ne croyez pas que la Plume fasse dans l'élitisme ou le parisianisme, où il est de bon ton de crier au miracle et au talent, à la lecture d'un texte absolument original, "nouvelle expérience d'écriture" même si on n'y comprend rien, que l'on s'ennuie comme un rat mort à lire la révélation de la rentrée littéraire, à acheter obligatoirement (sinon, ma pauvre amie, vous êtes "has been") affirment les critiques qui-savent-tout-et-ont-la-science-infuse.

Car là aussi, la discrimination joue comme ailleurs. Une bonne histoire c'est tout juste bon pour un comptoir de hall de gare en France. Du coup, les écrivains français qui écrivent en bon artisan, ne risquent pas d'être publiés, il faut être un écrivain "snobisé", dans des moules types style journalistes, profs, habitués des médias... une écriture qui se ressemble, se normalise alors même qu'elle se défend de la normalité, une écriture qui n'intéresse pas le bas peuple (de toute façon incapable d'apprécier la VRAIE littérature, ma bonne dame !).

Cependant, il faut quand même bien vendre, et ce que se gardent bien de vous dire les grands éditeurs français, c'est que plus de 80 % de ce qui se vend, sont de vraies et bien bonnes histoires, de celles que l'on écrit avec les conseils de la Plume d'Ys, vous savez, ces bonnes vieilles techniques d'écriture, cette écriture tout droit venue des pays anglo-saxons... Et vous allez rire, et bien ces 80 % qui se vendent si bien, ce sont des ... traductions de bonnes histoires ... anglo-saxonnes...

MORALITE : si un écrivain français veut se faire publier en écrivant une bonne histoire, autant qu'il l'écrive en anglais, puis le fasse traduire par un éditeur français...

Pouf, pouf....

Avec tout ça, à chaque rentrée littéraire, c'est bien plus de 600 et quelques nouveaux titres que vous allez trouver dans votre librairie préférée. Dans cette mêlée, l'éditeur publie avant tout les ouvrages d'auteurs chevronnés ou maison, des ouvrages occasionnels censés créer le buzz signés par des personnages publics, des rééditions et des... traductions.. (cf.paragraphe ci-dessus !)

Alors, avec votre premier manuscrit à vous, obscur petit écrivaillon de Province, épicier ou sombre employé de bureau de votre état, franchement, je ne vous cache pas la triste réalité des choses. Bien sûr, vous pouvez bénéficier de l'opportunité du siècle, comme cette jeune caissière qui a fait le buzz avec son blog pendant les grèves de ces consoeurs de la grande distribution. La jeunette avec une plume correcte (avec une maîtrise de français voyez que cela mène à tout... je veux dire à la caisse du supermarché... pas forcément chez un éditeur...) a publié un livre sur le sujet, la bonne aubaine médiatique du moment et puis après ? pour elle, quel avenir... ?

Bien sûr, les guides bien intentionnés concernant les auteurs (nous sommes aussi devenus des consommateurs, des livres entiers nous font croire que c'est possible. Et fleurissent des "Guide pratique de l'écrivain", des Consultants pour nous aider à publier et à mieux écrire... toujours bien sûr en échange de bons euros sonnants et trébuchants..!) vous disent, vous affirment, que dis-je, que si vous avez une bonne plume, vous y arriverez, vous ferez partie du fameux 1 % des inconnus qui ont envoyé leur manuscrit, via la poste, et qui ont été directement contacté par l'éditeur trop heureux de vous avoir découvert, vous, le talent du siècle...

Et bien sûr, si vous n'y arrivez pas, c'est que vous n'avez aucun talent... Ce ne sera ni la faute de l'éditeur, ni la faute de celui qui vous prodigue tant de bons conseils...

Les tribulations de notre ami Nono : Ayez !

Il a fait sa liste des éditeurs à qui il envoie son manuscrit

 

Souvenons-nous cependant de la bonne volonté de notre ami écrivain Nono. Tout comme lui, malgré le paysage éditorial morne plaine décrit par cette Plume d'Ys décidement si ronchonne, tout écrivain voudra essayer au moins une fois sa chance dans le système. Après tout, il nous arrive à tous de jouer au loto...

Je ne suis pas allée jusqu'au Mont Sinaï pour entendre la parole divine de l'Ecriture, mais de temps en temps, je vais me promener dans ma belle forêt de Chailluz près du parc des Sangliers, sangliers devenus des copains à force de leur donner des petits morceaux de pain. En remerciements, les braves bêtes m'ont fait entendre les couinements de la Juste Parole. Voici la table des lois et mes 10 commandements...

(Je signale qu'aucun sanglier n'a été maltraité, ni grillé pendant ce miracle, le buisson ardent s'étant mis aux abonnés absents, tellement il en a marre des conneries de l'Humanité.)

1er commandement

"Les éditeurs en fonction du genre et de la sensibilité de ton texte, tu cibleras".

Effectivement, ce n'est pas la peine d'envoyer une comédie à un éditeur qui ne fait que du polar... Et encore, en admettant que vous ayez effectivement écrit un polar, encore faut-il que ce polar-là, fasse partie de la mouvance éditée (noir, thriller, social, ou tout à la fois) par l'éditeur choisi. Cela implique donc une parfaite connaissance du paysage éditorial.

En d'autres termes, il faut fréquenter assidûment votre libraire préféré et opérer une véritable razzia sur les catalogues des éditeurs, faire de la recherche documentaire sur les auteurs déjà publiés par la maison que vous convoitez, etc.

2ème commandement

"Les petits éditeurs, micro-éditeurs, tu préfèreras"

Pour un premier ouvrage, il est plus sage de se tourner vers eux. Cependant, avec la multiplication des auteurs et l'envahissement des manuscrits, même eux, ne sont plus touchables.. Ils annoncent souvent un carnet d'oeuvres à publier jusqu'à cinq ou six ans dans le futur ... Repasser les voir à ce moment-là, si l'éditeur n'est pas mort entretemps...

3ème commandement

"Les Bibles des professionnels tu liras"

Je vous conseille l'Annuaire d'AUDACE, si possible la dernière édition : (Annuaire à l'Usage des Auteurs Cherchant un Editeur) édité par le CALCRE. Une fiche passe au crible les habitudes et les caractéristiques de chaque maison. De judicieux conseils et une foi inébranlable.

4ème commandement

"Un tapuscrit de bonne présentation, tu enverras"

Si vous présentez votre manuscrit en feuilles séparées, le faire au moyen d'une chemise cartonnée élastiquée.

Si vous présentez votre manuscrit relié, prévoir une page de titre, des feuilles plastiques devant et derrière ou des couvertures en papier fort (150 à 240 gr.)

Procédés thermocollage ou spirales (les fameux trous trous...)

Des photocopies ou des impressions de bonne qualité, cela va de soi (pas de truc noir, de photocopies illisibles ou manquant d'encre...).

Texte uniquement sur le recto. Pour la présentation dactylographique du manuscrit (via un traitement de texte), je vais sans doute vous concocter un modèle de document et des conseils spécifiques que vous pourrez télécharger. Encore du boulot pour la Plume.

Pagination soignée

Mettre ses coordonnées sur tous les documents envoyés.

5ème commandement

"Pour l'écriture documentaire, à l'américaine tu prospecteras."

Il est courant pour l'écriture documentaire, d'envoyer un dossier projet qui comportera :

  • Une fiche projet
  • Un sommaire
  • Un chapitre terminé pour montrer la qualité de sa rédaction et de son style.

En général, les documentaires sont intégrés dans une collection déjà existante comme une collection jardinage, sportive, etc. Il risque donc d'y avoir un cahier des charges précis et des contraintes propres à la collection qu'il faudra respecter. Si l'éditeur passe commande, vous aurez alors tout loisir de travailler votre ouvrage avec les bons paramètres d'édition.

6ème commandement

"Une lettre de présentation concise (ou d'accompagnement), tu écriras"

Vous êtes en position de demandeur. Vous ne devez pas y raconter votre vie, encore moins faire preuve d'égocentrisme. Elle doit être : neutre, polie, sans rature, sans fautes.

Elle sert surtout à présenter votre dossier, en listant les pièces comme : un manuscrit de 180 pages, un résumé, vos coordonnées.

Si votre parcours personnel est directement induit dans votre oeuvre, vous pouvez le signaler : vous avez écrit un livre qui relate un enlèvement, vous avez été vous même victime d'un rapt... (ce que je ne vous souhaite pas, bien sûr... !!!). Vous êtes commissaire de police et vous avez écrit un livre sur le grand banditisme, etc...

7ème commandement :

"Ton manuscrit, tu protègeras".

Le plagiat reste un phénomène relativement rare. Le plagiat peut cependant se multiplier notamment avec les publications internet des auteurs. Pour internet, il y a les fameuses licences Creative Commons que la Plume d'Ys a d'ailleurs choisies. Là encore, beaucoup de choses bougent, une certaine philosophie de partage de la création est apparue surtout par l'Internet. Cette philosophie peut aussi vous amener à réfléchir sur la position personnelle que vous allez prendre par rapport à vos oeuvres. Il faudra là aussi y consacrer un article plus particulier à ce phénomène. Retenez pour l'instant, le dépôt de votre manuscrit à la SGDL (Société des Gens de lettres) moyennant une certaine somme pas trop élevée. 

Une astuce donnée par le Calcre pour authentifier l'antériorité de votre oeuvre :

"... Dans une enveloppe "Solleau" cachetée à la cire, l'auteur glisse son manuscrit et se l'expédie à lui-même, le cachet de la Poste pouvant constituer une preuve..." 

Annuaire Audace, p. 22

Vous pouvez aussi vous l'envoyer en Recommandé Accusé Réception. Bien sûr, vous ne décachetez pas la lettre, hein ! Uniquement à porter à son avocat si vous découvrez un plagiat de votre oeuvre et qui se chargera d'ouvrir votre lettre devant témoin pour attester votre manuscrit à la date du cachet de la poste (antériorité de l'oeuvre) et le comparer au plagiat.

8ème commandement :

"De belles enveloppes solides tu trouveras"

Enveloppes renforcées, résistantes aux manipulations ou enveloppes capitonnées.

 

9ème Commandement

"Les réponses négatives avec patience tu attendras"

Délais : minimum 6 mois.

Il arrive que certains éditeurs accuse réception de votre envoi. On peut relancer l'éditeur, mais il faut le faire par écrit.

Certains éditeurs précisent également que passé un délai de X mois, l'auteur doit comprendre que son texte est refusé.

Après l'expiration du délai, on peut demander un retour de son manuscrit en donnant les timbres pour l'envoi. Mais la plupart du temps, les envois de timbres sont gardés ou mis à la poubelle avec la totalité de l'envoi quand il n'est même pas dépouillé.

Moralité : je vous conseille de faire votre deuil de tout exemplaire de manuscrit envoyé... Bien sûr, je suis consciente que cela à un coût et pas des moindres, tous ces envois...

10ème commandement :

"Devant toutes tes lettres de refus, te suicider tu éviteras.

Cela ferait un lecteur de moins pour la Plume...  

 

Nono et ses lettres de refus...

tu peux toujours allumer le feu de la cheminée avec !

 

Pour terminer cet article, je ne peux résister à vous citer une fiche de lecture rapportée dans le livre "Le Pavillon des fantômes" de Gabriel Astruc.  Cela vous donnera à réfléchir quant aux comités de lecture chargés de faire une première sélection, ou quant à l'impact que votre chef-d'oeuvre pourrait avoir sur l'éditeur lui-même si ce dernier aurait par pur hasard eu votre manuscrit entre les mains...

"Ce dernier (un auteur refusé) avait trouvé jointe (et par erreur, il s'agit d'une bourde de la maison d'édition) à son manuscrit l'analyse "confidentielle" qui suit :

Elucubration incompréhensible que j'ai eu beaucoup de peine à litre jusqu'au bout. Une des productions les plus nulles qu'on nous ait apportées depuis la fondation de la maison . M. x... est centenaire ou il a sept ans, ce qui le situe entre l'enfance et le gâtisme. Je ne raconte pas le sujet, amorphe comme le style. A renvoyer à l'auteur par grande vitesse car son internement dans un asile d'aliénés n'est qu'une question de jours..."

Voyez, le pire est à venir...

 

Ce que pense l'éditeur de votre livre :

CENSURE par la Plume d'Ys, afin d'éviter une vague de suicides...

 

 

La Plume d'Ys - Sylvie Parthenay

Article sous licence Creative Common by-nc-nd (voir :  "Droit d'utilisation")



29/08/2009
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